Précédemment dans notre Countdown To Infinity War :
• Iron Man : point de départ ou point de non retour ?
• The Incredible Hulk : un mal pour un bien ?
• Iron Man 2 : première défaite du modèle ?
• Thor : le marteau et l'enclume ?
• Captain America - First Avenger : méta pour les bonnes raisons
• Avengers : Vers l'Infini et au-delà
• Iron Man 3 : le premier film d'auteur de Marvel Studios
• Thor : The Dark World et la crise d'adolescence du Marvel Cinematic Universe
• Captain America : Winter Soldier, illusions désassemblées
• Guardians of the Galaxy : Vers l'Infini et au-delà (again)
• Avengers - Age of Ultron : le film qui nous manquait
• Ant-Man, une histoire de famille
• Captain America : Civil War, crises d'indépendances
• Doctor Strange : Marvel Studios ouvre son troisième œil
• Guardians of the Galaxy Vol. 2 : disque de reprises
• Spider-Man : Homecoming, tisser les liens entre générations
• Thor : Ragnarok, ouvrir un passage à travers l'anus
La dernière chronique de notre saga Countdown To Infinity War est peut-être la plus dure à réaliser. Le film est sorti il y a seulement deux mois et à de nombreux égards, il est encore trop tôt pour avoir le recul de son impact dans la progression et l'extension du Marvel Cinematic Universe. D'autant que ce-dernier soulève bien des points de discussion, dans ce qu'il constitue, dans sa place au sein de l'entreprise Marvel Studios, mais également dans son propos (politique, indeed) et ce que son succès tonitruant nous apprend des attentes du grand public, de sa partie la moins fréquemment représentée, et peut-être même d'un possible changement en cours à Hollywood.
On ne s'étendra pas là-dessus, mais faisons rapidement le point à ce sujet. Quoi qu'on puisse penser de l'engagement de Black Panther, de la prétendue hypocrisie d'Hollywood ou au contraire de sa qualité hypothétiquement révolutionnaire pour le genre super-héroïque - on ne pourra se prononcer qu'après. Ce sont les prochaines années qui verront l'influence durable d'un Black Panther sur la production des blockbusters de genre ou non. Si le film s'inscrit dans une continuité (démarrée petit à petit avec Blade il fut un temps) ou si comme Samuel L. Jackson le pense, avec de son côté le best of des opinions cyniques du web, le film de Ryan Coogler ne changera rien. Quoi qu'il en soit, Marvel Studios ne pourra ignorer le hold-up qui vient de se réaliser, et devra sérieusement réfléchir à la suite de leurs plans.
Là où il n'est en revanche pas trop tôt, c'est dans le tout nouveau terrain de jeu qu'amène Black Panther pour les prochaines années. Les frères Russo et Kevin Feige nous garantissent que la Phase 4 de Marvel Studios doit changer du tout au tout par rapport à ce que l'on a connu, et l'installation du Wakanda, de son vibranium, d'un cast secondaire hyper charismatique, sont tout autant de pistes à explorer dans un univers qui s'assume désormais pleinement comme une série TV au budget démentiel.
La construction du Wakanda s'est pourtant faite petit à petit aux yeux du grand public, alors que l'envie d'amener Black Panther sur grand écran était annoncée depuis 2005, lorsque la Paramount était encore dans le coup. Si on peut tabler sur une peur très hollywoodienne pour expliquer le temps qu'aura mis un super-héros noir à passer en lead de sa propre aventure, la logique de construction parait pourtant naturelle d'un autre côté. Le bouclier en vibranium du premier Captain America, l'apparition succincte (et la perte du bras) de Klaue dans Age of Ultron, et l'introduction de T'Chaka et son fils dans Civil War. Autant d'étapes pour permettre au plus grand public d'accueillir à bras ouverts ce nouveau héros, figure d'un nouveau MCU - avec le succès du film, difficile d'imaginer Feige se séparer du personnage ou de le mettre en retrait.
Et en un seul film, Black Panther apporte avec lui tout un tas de jouets. Le Wakanda, comme cour de récré' en toute logique, puisqu'une partie d'Infinity War s'y déroulera. L'ouverture du pays au reste du monde promet aussi un nouvel écho pour l'univers partagé, et l'arrivée potentielle du vibranium à l'international, qu'elle soit voulue ou non, permet de doubler les potentiels problèmes et moteurs d'intrigues des prochains films. Du point de vue du personnage, l'amorce d'avoir un T'Challa partagé entre son rôle de roi, de représentant du pays pour le reste du monde, et de sa situation de (futur) membre des Vengeurs sont tout un tas d'échos qui renvoient à ce que Christopher Priest a pu faire - et qui a inspiré d'autres scénaristes par la suite. De même, difficile de ne pas imaginer avec le personnage de Shuri une variante live action de ce que Riri Williams a été sur papier, dans la probabilité qu'il faille bientôt remplacer Iron Man (une alternative viable).
Dans cette perspective, Black Panther s'inscrit dans une mouvance marquée depuis la fin d'Age of Ultron et le début de formation des New Avengers. Plus que de présenter de nouveaux personnages simplement pour la nouveauté, c'est la préparation des nouvelles équipes qui se fait. Le studio pense à son futur, dicté par des impératifs temporels, et de contrats (soyons pragmatiques), et Black Panther peut se voir comme le point d'orgue de cette première phase de transition. Le public s'habituera désormais à d'autres visages tout en laissant s'en aller les plus familiers.
Il faudra voir aussi si ce modèle partagé ne risque pas de se causer lui même du tort, en devant constamment alterner des phrases "de repos", et d'autres qui devront obligatoirement amener de nouvelles têtes pour ne pas se retrouver à court d'équipiers quand les Avengers devront se reformer. Black Panther a montré en tous les cas une certaine appétance pour tous ces nouveaux jouets, et il incombe à Marvel Studios de bien exploiter ces nouveautés. Infinity War apportera peut-être, déjà, un premier élément de réponse. Comptez sur nous pour en re-discuter.